La génération anxieuse : isolement et connexion à l’ère numérique

Depuis le début des années 2010, une détérioration alarmante de la santé mentale des adolescents a été observée aux États-Unis et dans le monde. L’augmentation des cas de dépression, d’anxiété, et de suicide chez les jeunes dépasse de loin les niveaux précédents, coïncidant avec une baisse de la réussite académique et une augmentation de la solitude. Le livre, « la Génération Anxieuse » explique comment la grande transformation de l’enfance provoque une épidémie de maladies mentales.

Imaginons qu’en 2011, une adolescente de 12 ans reçoit un iPhone 4, le tout premier modèle équipé d’une caméra frontale. Elle commence alors à consacrer cinq heures quotidiennes à la prise et à l’édition de selfies, à les partager sur Instagram (lancé l’année précédente), et à parcourir des centaines de publications d’autres utilisateurs. À cette époque, aucun de ses camarades ne possède de smartphone ni de compte sur les réseaux sociaux. Admettons que l’utilisation d’Instagram entraîne des troubles anxieux selon un modèle de “dose-réponse”, bien que l’impact sur l’anxiété soit moins prononcé que celui lié à l’isolement social. Ainsi, tandis que cette jeune fille, passant cinq heures par jour sur Instagram, voit sa santé mentale se détériorer, celle de ses amis reste stable.

Maintenant et depuis 2015 la plupart des filles sont sur Instagram et tous les adolescents passent beaucoup moins de temps avec leurs amis en personne. La plupart des activités sociales sont maintenant asynchrones—canalisées par des publications, des commentaires et des emojis sur Instagram, Snapchat et quelques autres plates-formes. L’enfance a été recâblée, il est devenu basé sur le téléphone et les taux d’anxiété et de dépression montent en flèche.

Si tous ses amis persistaient à passer 5 heures quotidiennes sur diverses plateformes, elle aurait du mal à communiquer avec eux. Elle se retrouverait exclue et isolée socialement. Dans le cas où l’effet d’isolement surpasserait l’effet direct de l’utilisation, sa santé mentale pourrait se dégrader davantage. En examinant des milliers de jeunes filles, il se pourrait qu’aucune corrélation évidente ou forte ne soit établie entre le temps passé sur les réseaux sociaux et le niveau de troubles mentaux. Il est même possible que ceux qui n’utilisent pas les réseaux sociaux souffrent davantage de dépression et d’anxiété que ceux qui en font un usage modéré, un phénomène parfois observé et désigné sous le nom “the Goldilocks effect

La décennie des années 2010

Au tournant de la décennie des années 2010, un changement préoccupant a pris racine, affectant profondément le développement et le bien-être des adolescents. Un examen des statistiques révèle une hausse de plus de 50 % des taux de dépression et d’anxiété parmi les jeunes Américains, avec une augmentation particulièrement alarmante du taux de suicide chez les adolescents et préadolescents. Ce phénomène n’est pas isolé aux États-Unis ; des tendances similaires sont apparues simultanément dans plusieurs pays, indiquant une crise globale affectant la génération Z. C’est une nécessité d’adopter une approche plus holistique pour comprendre et traiter les problèmes de santé mentale liés aux médias sociaux chez les adolescents, en tenant compte non seulement des effets individuels mais aussi des implications sociales et collectives de leur utilisation.

Une génération Z en détresse

Les adolescents nés après 1996 affrontent des niveaux de stress psychologique sans précédent. Le constat est sans appel : ils présentent des taux d’anxiété, de dépression, d’automutilation et de troubles connexes plus élevés que toutes les générations précédentes. Ce mal-être transcende les frontières, touchant des sociétés aussi diverses que le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et les pays nordiques, suggérant que les facteurs en jeu dépassent les spécificités culturelles ou nationales. Les réseaux sociaux ne constituent pas l’unique facteur mais comme le smartphone ont joué un rôle prépondérant de cette détresse. Si on prend le smartphone il est évident que l’éducation joue à un rôle majeure dans son utilisation sinon il peut avoir pour conséquence d’entraver le développement humain normal en réduisant le temps consacré au sommeil, au jeu et à la socialisation avec les personnes, tout en favorisant l’addiction et en submergeant les enfants impossibles à soutenir. Le gaming sur smartphone non surveillés peut avoir des implications vers une enfance centrée sur le téléphone !

Une fois que l’on saisit l’ampleur de la transformation de l’enfance par l’usage des smartphones et des réseaux sociaux, il devient clair qu’il est inapproprié de se limiter exclusivement aux impacts sur l’individu. La majorité des études — des “centaines d’études”  — ont abordé les réseaux sociaux comme on le ferait avec la consommation de sucre, se demandant combien l’état de santé des individus se détériore en fonction de leur consommation de sucre.

Des indices d’une crise plus large

La détérioration de la santé mentale n’est qu’un symptôme parmi d’autres d’un mal-être plus généralisé. Aux États-Unis, la solitude et l’isolement social chez les adolescents ont commencé à s’intensifier vers 2012, parallèlement à une baisse des performances académiques. Selon “The Nation’s Report Card”, les scores en lecture et en mathématiques des étudiants américains ont commencé à fléchir après 2012, marquant un renversement après des décennies d’amélioration lente mais constante. De manière similaire, PISA, un baromètre éducatif international, confirme cette tendance de baisse dans les performances en mathématiques, lecture, et sciences à l’échelle mondiale, renforçant l’idée que le début des années 2010 a marqué un tournant défavorable pour les jeunes du monde entier.

Un appel à l’action

Les données et tendances évoquées révèlent une crise profonde touchant la jeunesse à une échelle globale. Cette crise se manifeste par une augmentation des troubles mentaux, une intensification de la solitude, et une baisse des performances scolaires, symptômes d’un malaise qui semble s’être accentué avec l’avènement du numérique. Il est impératif de reconnaître cette réalité et de prendre des mesures concrètes pour inverser ces tendances délétères.

Le livre “La Génération Anxieuse” de Jonathan Haidt est un appel à l’action impératif pour répondre à la crise de santé mentale chez les jeunes. En mettant en lumière l’impact dévastateur de la transition vers une enfance dominée par les écrans, les propos du livre nous poussent à réévaluer notre relation avec la technologie et à redéfinir les priorités de l’éducation et du développement de l’enfance.

La corrélation temporelle entre l’essor des technologies numériques et la détérioration du bien-être des adolescents soulève des questions cruciales sur l’impact de notre ère connectée sur la santé mentale. Bien que cet article ne prétende pas établir une causalité directe, il met en lumière l’urgence de repenser notre rapport aux écrans, surtout chez les plus jeunes. Ses propositions offrent un chemin vers une société où le bien-être des jeunes est placé au premier plan, rappelant l’importance cruciale de l’interaction humaine et de l’exploration libre pour un développement sain.

Quelques recommandations du livre

  • Encouragez les enfants à passer davantage de temps à jouer librement avec leurs pairs. Idéalement, ces moments de jeu se dérouleraient en plein air, avec des enfants d’âges variés, et sous une supervision adulte minimale ou inexistante, rappelant ainsi l’enfance vécue par la plupart des parents avant les années 1980.
  • Explorez des façons d’impliquer les enfants dans des communautés réelles et stables, car les interactions en ligne ne fournissent pas le même niveau de satisfaction ou d’engagement.
  • Optez pour un téléphone ou une montre dédiée uniquement à la communication comme premier appareil pour votre enfant, au lieu d’un smartphone équipé d’accès à Internet.
  • Évitez de fournir un smartphone à votre enfant avant son entrée au lycée, ce qui est plus réalisable si les parents de ses amis adoptent également cette pratique.
  • Reportez la création de comptes sur les réseaux sociaux jusqu’au début du lycée, au minimum. Cette démarche pourrait devenir plus aisée si nous soutenons les efforts législatifs visant à augmenter l’âge requis pour être considéré comme un adulte en ligne de 13 à 16 ans, avec une vérification systématique de l’âge.

Publié le 5 avril 2024, modifié le 5 avril 2024.
Par Christophe Romei

https://www.servicesmobiles.fr/la-generation-anxieuse-isolement-et-connexion-a-lere-numerique-96600

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